Adieu notre pays chéri
Amis, partons pour le Berry
Adieu, Corcelle,
Anost, Verreins, le Creux,
Que l'on attelle
La charrette et les bœufs.
Allons, galvachers, en avant !
Il faut quitter notre Morvan !
Montons la route,
Et chassons le souci ;
Buvons la goutte
Chez le Cô à Bussy.
Bonjour à notre ami le Cô
As-tu pour nous du bon frico ?
Dans la galvache,
Tu le sais par ma foi,
On n'est pas lâche
De boire un coup chez toi.
Hommage aussi au bon Sauron
C'est lui qui fit cette chanson.
Assis à table,
Ayant le verre en main
Il est bon diable,
Chante soir et matin.
N'oublions pas Monsieur Berger
Car c'est l'ami du galvacher :
Il boit il chante
Il a les larmes aux yeux
Ce qui l'enchante
C'est de nous voir heureux.
Les uns s'en vont à Commentry
Les autres à Bourges en Berry,
Puis à la Guerche,
Nevers et autres lieux,
Car là l'ouvrage
Ne manque pas aux bœufs.
D'autres s'en vont à Saint Fargeau
Toucy, Saint Sauveur et Bléneau,
Conduire la corce
Charbons et bois carrés,
On voit la force
Là de leurs bœufs barrés.
Planchez, Montsauche et Saint Brisson
Au premier Mai tous nous partons
Ouroux, Gâcogne
Frétoy, Gien puis Arleuf,
Pour la Bourgogne, allons piquer nos bœufs.
En avant donc les deux corbins
Vous savez déjà les chemins
Chers camarades
Ornons leur front puissant
D'une cocarde
Et de deux beaux rubans.
Chère Fanchon, essuie tes yeux,
Voici le moment des adieux,
Allons ma belle,
Adoucis ton chagrin,
Sois-moi fidèle
Jusqu'à la Saint Martin.
Tâche de bien engraisser le cochon,
À l'ouvrage remue-toi un peu,
Soigne bien la vache,
Elle nous fera de l'argent
Rempli sa crèche,
Ne la laisse manquer de rien.
T'as bien des treuffes et du blé noir
Il reste encore un quartier d'lard
Dans le saloir,
Quand il n'y aura plus rien,
Aussitôt par la poste,
Je t'enverrai d'l'argent.
Allons va-t-en, ne pleure pas
Je t'écrirai du pays bas
Envoie en classe,
Le p'tit sans faire manquer,
Et pour toi tâche,
De ne pas m'oublier.
Sur le chariot, as-tu mis l'sac ?
Donne-moi ma pipe et mon tabac
Ma limousine,
Et mon grand aiguillon,
Ne te chagrine
Pas ma bonne Fanchon.
Puis il s'en va pauvre bouvier,
Abandonnant son vieux foyer,
Quittant sa femme,
Et ses enfants aussi,
Pour être esclave
Dans les bois de Toucy.
Ne peut-il donc, dans son Morvan
Vivre aussi bien en travaillant ?
Quand là l'ouvrage
Ne manque pas aux bras,
Est-il donc sage
D'aller au pays bas ?